Perspectives sur la filière de l’hydrogène

Entrevue avec Pierre Bénard, directeur de l’Institut de recherche sur l’hydrogène (IRH) et co-directeur du Thème 3.2 – Stockage à long terme de la programmation scientifique du RQEI

Avril 2020

Q. Depuis un an, la filière de l’hydrogène a pris de l’importance dans l’espace médiatique du Québec. 
Est-ce que vous pouvez nous décrire le contexte ?  

 

R de P.B : Oui, effectivement, nous avons pu lire des titres dans les journaux qui indiquent un intérêt majeur pour l’hydrogène vert, produit par électrolyse de l’eau. Entre autres, Air Liquide annonçait récemment un projet de construction d’un électrolyseur PEM d’une capacité de 20 MW à Bécancour. De même, Hy2gen Canada considère, à courte et moyenne échéance, au moins trois projets d’envergure impliquant la production d’hydrogène par électrolyse. Finalement, le Plan stratégique 2020-2024 d’Hydro-Québec inclut la production d’hydrogène vert.

On envisage l’hydrogène vert pour accélérer la transition énergique notamment par l’électrification d’applications à haute densité et à haute intensité énergétiques, l’électrification du transport lourd, la décarbonisation de l’industrie lourde, une meilleure intégration des énergies intermittentes (solaire, éolien), et la valorisation des surplus de production d’électricité via des technologies de type «Power-to-X» qui permettraient, si elles peuvent être mises à l’échelle, de transformer des surplus d’électricité en produits chimiques à valeur ajoutée (matériaux et carburants synthétiques).

 

Q. Quelles sont les priorités sur lesquelles les chercheurs doivent travailler en ce moment pour soutenir l’économie de l’hydrogène au Québec ?

 

R de P.B : D’importantes activités R-D sont menées dans les réseaux de l’enseignement supérieur, et notamment par les membres du RQEI. Ensemble, notre expertise recouvre toute la chaine de valeur de l’hydrogène renouvelable, de la production aux utilisations finales. Plus particulièrement, nous priorisons les thèmes suivants :

 

  1. La production efficace et moins dispendieuse d’hydrogène vert (en particulier par électrolyse) ;
  2. Le déplacement de l’hydrogène marchant gris par l’hydrogène vert;
  3. Les piles à combustible pour les applications à haute puissance (transport lourd : camions, autobus et trains, les applications maritimes, l’industrie minière, les centres de données);
  4. Les technologies de stockage d’hydrogène sous forme chimique et la diminution des coûts des systèmes de stockage classiques (compression);
  5. Et enfin l’hydrogène vert industriel pour utilisation dans des procédés industriels.

 

Ces priorités sont d’ailleurs tout à fait cohérentes avec les mesures du Plan directeur de Transition énergétique Québec.

 

Q. Selon vous, quelle est la place pour l’interdisciplinarité dans cette filière énergétique?

 

R de P.B : Pour aborder des problèmes complexes sous tous leurs angles, rien ne vaut la mise en commun d’expertises complémentaires. Concrètement, il faut avoir recours à la fois aux physiciens, aux chimistes, biochimistes pour produire et stocker l’hydrogène. Nous avons besoin d’ingénieurs pour améliorer l’efficacité énergétique de nos transports, bâtiments et procédés industriels. Et les innovations en sciences des matériaux ont des impacts directs sur l’amélioration des technologies déjà existantes et le développement de technologies de rupture par les ingénieurs.

De plus, les sciences humaines, économiques et sociales contribuent également à l’accélération des usages de l’hydrogène via l’enseignement, les analyses de cycles de vie et les analyses techno-économiques.

 

Q. En février, des chercheurs du RQEI ont participé au Salon HyVolution qui se tenait à Paris. Quelles sont vos grandes conclusions de cette expérience ?

 

R de P.B : L’industrie française était au rendez-vous avec plus de 150 entreprises et le Québec était bien représenté. Le sommet nous a permis de mieux comprendre les grandes orientations de l’industrie française à propos de l’hydrogène afin d’arrimer nos actions.

Au cours des prochains mois, nous allons travailler activement avec nos partenaires, notamment le ministère de l’Économie et de l’Innovation, afin de développer des partenariats et des programmes de formation et de recherche bilatéraux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur la photo et dans l’ordre habituel :  Hugues Doucet (directeur Bureau de liaison entreprise-université – UQTR), Christian Bélanger (directeur Recherche Innovation – Projets stratégiques et transversaux, Institut de Recherche d’Hydro-Québec), Kodjo Agbossou (UQTR), David Vincent (directeur principal, Développement des affaires d’Hydro-Québec), Michèle Boisvert (déléguée générale du Québec en France), Christine Chan (directrice développement des affaires – Investissement Québec), Pierre Bénard (UQTR), Oumarou Savadogo (Polytechnique Montréal) et Damien Pereira (attaché Affaires Économiques, Responsable Innovation – Délégation générale du Québec à Paris)

 

Q. Pour terminer, pour les étudiants qui s’intéressent aux sciences de l’énergie, est-ce qu’il y a des débouchés pour travailler ici, au Québec ?

R de P.B : Dans le contexte de la transition énergétique, il faut diversifier notre main-d’œuvre pour relever des défis inédits. Au Québec, nous avons de grandes entreprises qui travaillent étroitement avec les universités notamment Hydro-Québec et Énergir. Nous avons également plusieurs centres collégiaux de transfert technologiques qui s’intéressent à la transition énergétique et qui forment la main-d’œuvre sur tout le territoire. Les débouchés sont donc excellents.